Fûdo éditions

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La traversée en papier

Du papier, de la sculpture, de la vie

Et, si la sculpture était l’art de donner une ombre à la lumière, pour mieux trouver cette dernière ? Et si le papier pouvait être la matière même de la sculpture ? Et si la sculpture était la structure de ma propre vie ? le véhicule sur mon chemin ? Et la pirogue, la forme unique, ma forme, celle qui permet de traverser d’une rive à l’autre ?
Au Japon, à Mino où j’ai tout découvert, le Khozo, arbuste dont les tiges pilées, bouillies, sans cesse remuées et mélangées à quelque secrets très bien gardés, donnent ce papier si réputé, pousse très près du bambou. Papier et bambou m’ont offert et m’offrent encore, outre leur sagesse millénaire, la possibilité de créer tous mes univers.
 Parce que, le papier, outre sa matière et sa couleur en soi, et le bambou, que je fais pousser à présent et que je taille régulièrement, sont mes principaux matériaux de création. J’aime à en parler.

Le papier est organique, vivant, fibre, peau, multiple. Liquide, il devient feuille en séchant. En pâte, il s’applique sur une ossature, s’écrase sur un volume, ou, tout simplement se presse entre les  doigts comme une motte de terre.


Le papier est multiple, souple, élastique, malléable. Sec et cassant au soleil, gonflé et fragile sous la pluie. Transparent comme un papier de soie ou épais comme un carton solide. Il peut être mouillé, déshydraté, plié, mâché, émietté, déchiré, roulé, poli, usé, usagé, rouillé, épinglé, collé, éclairci, teinté, vierge ou encré, gommé ou taché, imprimé, coloré, ciré, graissé, dessiné, parfumé, chiffonné, effeuillé, relié ou parsemé de graines ou de pétales de fleurs. Et je ne sais pas encore tout !
Sa composition aqueuse permet l’absorption et l’intégration d’éléments naturels.
Très léger, solide quand il est bien armé, il donne naissance à des volumes de toutes sortes et de tout usage : cerfs volants, montgolfières, luminaires, meubles, jouets ou  décors etc.

Sa transparence permet les jeux multiples de la lumière et des formes. Il peut être encollé plusieurs fois, permet toutes sortes d’œuvres graphiques ou plastiques. Au japon, on tisse et on coud les robes de mariée en fil de papier écru ou blanchi naturel! Une pure merveille… Enrobé ou enrobant, perméable ou non, le papier reste toujours caressant et caressé. Un vrai trésor !
Ephémère ? Oui, mais, n’a-t-on pas conservé des écritures  sur parchemin (ancêtre du papier) ou papier vélin  depuis des millénaires ? Découvert des rouleaux de manuscrits encore lisibles dans la Mer Morte ?
Les pierres de papier que j’oublie au jardin de l’Atelier, s’alourdissent des pluies, se sèchent à nouveau au soleil, se métamorphosent, prennent des lichens, des craquelures et même quelques petits refuges d’insectes !!!! Je les redécouvre, vivantes, saison après saison, renouvelées, en papier devenu minéral porteur d’ ombre et de lumière…


Et on en revient au point de départ.
Une sculpture c’est l’ombre d’une lumière… L’ombre d’une branche, c’est une calligraphie sur un papier…
Et la vie d’un artiste, pour Polska, entre soleil et nuage, c’est la traversée de tous les paysages, l’exploration de tous les cœurs, la création de tous les instants, en partage…
Pourquoi pas, sous une pirogue en bambou et papier, flottant dans l’espace de son Atelier ?



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